Adaptation à la scène de quatre nouvelles issues du recueil : “Histoires Maigres”

 Une proposition de Frédéric Aubry                                                                           édité par “Les éditions passage du Nord/Ouest” (81000 ALBI).

 

Notes et intentions pour l’adaptation à la scène.


Un coup de coeur pour ces écritures.


“HISTOIRES MAIGRES” rassemble 43 nouvelles de trois écrivains de l’école de Glasgow, romanciers aux idées noires, qui peignent le naufrage des grandes cités industrielles en réinventant Dickens et Zola dans la patrie de Stevenson.

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 J’ai choisi quatre textes issus de ce recueil. Ecriture orale, ils sont la parole, le témoignage en style direct d’un individu en errance, en rupture. Sensible, l’homme constate sans apitoiement son sort, il nous fait une description, un état des lieux, des besoins. Tout ceci souvent avec humour, auto-dérision et poésie.


Les quatre textes choisis. Dans l’ordre d’interprétation.


    Là où j’étais - James Kelman

    Encore toujours pareil - James Kelman

    Le râleur - Alasdair Gray

    Le sac en papier - James Kelman


 Plusieurs nouvelles donnent le sentiment qu’il pourrait s’agir de différentes étapes de la vie d’un seul individu. Certaines ont d’ailleurs des similitudes quant à leur construction ainsi que des situations récurrentes ou en écho d’un texte l’autre. 

Partant de ceci j’ai imaginé le fil conducteur, le “déroulé” suivant :


“Là où j’étais”. L’Ecosse, c’est la nuit, des pas lourds martèlent la terre. Un homme arpente une région de lochs. Malgré l’obscurité il nous fait une description de cet environnement accidenté. Accidenté par l’hiver, la pluie, le vent. Accidenté; l’homme l’est aussi, par la vie. Il a fui son logement, pourquoi ? Il ne le révèle pas. Il se contente de nous peindre le paysage naturel extérieur et celui intérieur de son errance. “<< Il n’y a pas une seule lumière>>” dit-il, pourtant il distingue la côte; falaises ou îlots, mer ou lochs dont les limites se fondent dans le sombre. Des lueurs faibles lui font apercevoir des maisons, des arbres. Réalité, ou simple phénomène de paréidolie, l’homme en silhouette nous plante un décor qui le rassure.


 L’humeur de ce premier texte, évolue. La gouaille du début, comme une bonne blague faite à ceux que l’on a fuit fait place à une lassitude du combat mené contre les conditions climatiques. Mais l’optimisme qui revient régulièrement compose de belles plages poétiques comme vernis final à cette peinture.

 

“Encore toujours pareil”. Avec le retour de la lumière nous retrouvons le même personnage dans les rues du vieux Londres sur un banc. 

Cartons d’emballages, caddy de supermarché rempli de récup’, vieux sacs ... etc...L’homme est diminué pathologiquement mais garde une force d’analyse, jusqu’à ce qu’il “pète” gravement les plombs à la fin. Ayant fouillé dans le stock d’affaires récupérées et trouvé un superbe costume il le revêt. La transformation à vue change totalement son aspect et il se prend à jouer un personnage de belle condition, peut-être celui qu’il a été à un moment de sa vie passée ou qu’il rêve de devenir. 


 “Le râleur” commence avec le même argumentaire que le texte précédent ce qui conduit du point de vue du jeu, à reprendre des attitudes déjà proposées. Cette nouvelle nous présente un homme dont la vie professionnelle est une réussite, contrairement à sa vie “amoureuse”. Il va se plaindre de beaucoup de détails de sa vie et même de ses succès qui lui semblent trop conventionnels. Etre au sommet présente le risque de chuter; il décide donc de tout abandonner. Les beaux vêtements retournent d’où ils sont sortis et nous retrouvons notre homme sur son banc.


 “Le sac en papier” est écrit au passé. Notre homme revit devant nous une rencontre faite dans la rue. La situation qu’il nous décrit a-t-elle réellement eu lieu ? Ou bien n’est-ce qu’un espoir de rencontre ? Peu importe, le message est que même dans son état physique, dans son dénuement, la jeune fille n’a pas été choquée par lui, 

“<<...elle m’a souri, un sourire spontané...>>”.

A la fin l’homme reprend sa balade et disparaît.


Quelques pistes de jeu.

 Il est fait souvent allusion à la démarche, aux pieds, aux chaussures. Dans “Là où j’étais” il est question de bottes, le bruit qu’elles font sur la route. Dans “Encore toujours pareil” l’homme s’efforce d’avoir du ressort dans sa démarche, ou bien ses pieds ne sautillent plus comme avant. Dans “Le râleur” c’est un ami qui traînait la jambe, qui claudiquait. Dans “Le sac en papier”, on se promène, on trottine, on hésite à se croiser, on veut courir ... etc... Il y aura donc un travail sur la démarche, en se rapprochant des piétinements des gens vivant dans la rue qui vont et viennent de long en large comme des fauves captifs. Le mot anglais “ tramp” désigne une démarche bruyante et aussi les personnes qui circulent à pieds à la recherche d’un abri, d’un travail parfois sur de longues distances; les clochards, les routards. Ces pas, ces pieds, feront du bruit, seront rythmés.


Environnement sonore.


 Une ponctuation de bruits connus, ambiances de rues, de piétons, des motifs très courts réorganisés dans leur rythme. S’il y a référence à Johnny Cash, on n’entend qu’une courte “intro” de sa chanson “Hurt”, de laquelle ne sont chantonnés, par l’homme, que les quatre premiers vers. Dans “Là où j’étais” l’homme chante dans le noir 

des extraits de “Cod Liver oil and the orange juice” et“ My bonnie lies over the ocean”.

Pourquoi montrer au théâtre un dépossédé ?


 Notre société a enfermé ces hommes et femmes dans la rubrique SDF; les a déshumanisés, uniformisés. Ces textes sont une parole redonnée, une occasion de croire au même échantillonnage d’humains dans la rue que dans les appartements douillets, une occasion d’entendre d’autres espoirs que les paroles étouffées contre la vitre de la voiture lors de la mendicité du feu rouge. Ces espoirs sont présents dans chacun des textes, par l’humour, l’auto dérision, par la volonté de se redresser physiquement et de taper des pieds très fort sur la route ...

Un coup de colère à l’origine de l’envie de partager ces textes.


 Que reste-t’il quand on n’a plus rien ... peu de choses, plus d’existence, pas même une identité. Pas une qualité, pas de “Monsieur” ou “Madame”, pas de patronyme, peut-être un acronyme, trois initiales : S.D.F. Même plus droit au doux nom poétique et folklorique de “Clochard”, non !... Trois lettres suffisent, “S. D. F.”, plus pratiques pour la nomenclature. Quelquefois avec effort peut-on prononcer des mots ? ... sans abri ... “un sans abri”.


Frédéric Aubry - 8 avril 2010.























Association d’idées, rapprochement d’évènements.

Une performance dansée par Pascal Delhay me semble proche de la direction que je veux suivre, 

pour lui le mouvement, le geste et la syncope, et pour moi le verbe, le jeu et l’attitude.

Il s’agit de : “Balthazar Rouscaillou, clochard dansant et iconoclaste”. 


http://www.youtube.com/watch?v=pVZKbX7aXDo



People...isation de la misère ... !